Convictions,Mode
Le minimalisme
Oct
« La société de masse est peut-être encore plus sérieuse, non en raison des masses elles-mêmes, mais parce que cette société est essentiellement une société de consommateurs, où le temps du loisir ne sert plus à se perfectionner ou à acquérir une meilleure position sociale, mais à consommer de plus en plus » disait la philosophe et journaliste Hannah Arendt en 1961.
Le minimalisme, à l’origine, est un courant de l’art contemporain né dans les années 1960 aux Etats-Unis, basé sur la neutralité et la simplicité en opposition notamment au pop art. Les artistes adeptes de ce mouvement, tels que les peintres Frank Stella ou Ad Reinhardt et son fameux « Carré noir sur fond blanc » s’inscrivent ainsi dans la doctrine du «Less is more» défendue par la suite par l’architecte minimaliste Mies Van der Rohe. C’est justement cette fameuse idée du « Moins c’est plus » qui fait aujourd’hui son grand retour et attire chaque année de plus en plus d’adeptes.
Pourquoi le minimalisme aujourd’hui ?
Le minimalisme correspond ainsi à la volonté de se simplifier la vie et être plus heureux en se concentrant sur l’essentiel et en se débarrassant du superflu. Pourtant, cette notion semble aller à l’encontre des fondements de notre société de consommation actuelle, qui puise sa source dans la période des 30 Glorieuses, où croissance économique rimait avec abondance et hausse du niveau de vie. En effet, suite à la période de grande restriction et de précarité que fût la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle le rationnement était roi, la réponse logique et immédiate a été de surconsommer, afin de combler le vide et le manque connus précédemment et ainsi mieux les rejeter.
Cette surabondance et peur de manquer, comblées par l’achat de toujours plus d’objets est aujourd’hui remise en question par les préoccupations sociales et environnementales auxquelles nous faisons face. En effet, nous devons dès lors nous interroger sur la pertinence d’un tel mode de vie, durable ni pour l’Homme ni pour la Terre, et ainsi nous demander si la possession d’objets matériels nous rend réellement plus heureux, comme promis par les annonces auxquelles nous faisons face tous les jours.
Le minimalisme dans la mode
« Consommer moins, consommer mieux » : ce crédo, qui est à l’origine de la création de notre entreprise, permet de se poser les bonnes questions afin de tendre, à l’opposé de la tendance actuelle, vers une consommation raisonnée et raisonnable. À l’ère des achats compulsifs de produits dont nous n’avons pas toujours besoin et que nous utiliserons peu ou même peut-être pas, le minimalisme permet de se concentrer sur un mode de vie plus simple, où la qualité prend le dessus sur la quantité. Plus facile à dire qu’à faire dans un monde où nous sommes sans arrêt incités à consommer toujours plus, l’objectif devient dès lors de posséder un minimum de biens, mais des biens qui nous sont réellement utiles. Ce mode de vie peut s’appliquer à différents domaines tels que la décoration, mais également à la mode.
Pour Susie Faux, créatrice de vêtements qui met au goût du jour ce terme dans les années 1970s, l’idée est d’acheter peu mais acheter des pièces essentielles et indémodables, à porter et reporter au gré des saisons. Cette garde-robe intemporelle tant par son style que par sa qualité se déjoue ainsi des tendances qui viennent et repartent et permet à chacun de tendre vers une mode chargée de sens. L’objectif revient à choisir des accessoires aux coupes classiques et épurées, conçus à partir de matières de qualité afin de durer de longues années. Bottines, sacs à main, ou encore ceintures, l’important est de miser sur des pièces versatiles, durables et dans des coloris qui s’associeront parfaitement à votre dressing. Le style minimaliste, en prônant la simplicité et les textiles de qualité, permet ainsi d’adopter une allure sobre, élégante et intemporelle à l’aide de basiques indémodables.
Les avantages de ce courant de pensée
Concernant l’habillement, lorsque l’on sait notamment que l’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante du monde après celle du pétrole, consommer de façon minimaliste pour constituer son placard a sans aucun doute un réel impact environnemental et social.
Parce que plus de 7500 litres d’eau sont nécessaires à la confection d’un jean, ce qui représente l’équivalent de l’eau bue par un homme pendant sept ans (Nations Unies, 2019), et que la plupart des vêtements viennent aujourd’hui du Bangladesh, où le salaire horaire est de 0,27 euros (le plus bas du monde), il est grand temps de se poser des questions. En prenant le temps de choisir et investir dans des pièces avec la perspective qu’elles deviennent des indispensables de notre vestiaire, que l’on prendra plaisir à retrouver chaque saison, on évite ainsi d’alimenter le cercle vicieux de la fast-fashion.
L’idée n’est pas de ne plus acheter de vêtements, mais de consommer différemment, en pleine conscience, en se tournant vers des alternatives éco-responsables, en considérant l’achat comme un investissement, dont l’on va prendre soin afin de le porter pendant des années.
Au-delà des bienfaits environnementaux certains, réduire la quantité de biens que l’on possède semble également être étroitement lié au bien-être personnel. Ce lien entre bien-être et tri est notamment mis en lumière par Marie Kondo, essayiste japonaise rendue célèbre par sa méthode appelée « Konmari » illustrée dans le livre La Magie du rangement. En éliminant le superflu, on se déleste ainsi de ce qui nous encombre pour mieux se concentrer sur ce qui nous procure vraiment de la joie.
Joshua Fields Millburn, co-fondateur du site Theminimalists.com, affirme quant à lui dans une conférence TEDx que cette expérience lui a permis d’apprendre « qu’en simplifiant ma vie, j’avais le temps de m’occuper de ma santé, de mes amis, de mon argent, de mes passions, que je pouvais me concentrer sur moi-même d’une façon qui fait sens “.
Dès lors, il est important de comprendre que le minimalisme ce n’est pas « vivre avec rien » mais « vivre mieux avec moins », en remettant en question sa consommation et en privilégiant les pièces de qualité, que l’on espère garder le plus longtemps possible.